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La forêt a joué pendant longtemps un rôle important dans la vie de l'homme et est par conséquent présente dans l'histoire de l'Alsace en particulier. Pendant tout le Moyen Age et jusqu'au XIXe siècle, les forêts font l'objet de procès qui durent parfois des décennies et voire plus; c'est que le bois était une denrée vitale pour la construction et le chauffage. C'est avec le développement de l'exploitation du charbon de terre (par opposition au charbon de bois) et son utilisation dans l'industrie et le chauffage que le bois va perdre petit à petit de son importance.

Beaucoup de métiers tournaient autour de la forêt et du bois. En premier lieu le bûcheron, puis le schlitteur qui amenait le bois jusqu'à la scierie, ce métier étant particulièrement dur et dangereux. Le scieur, appelé sagard dans le fond des vallées vosgiennes francophones, débite les grumes en planches. Aujourd'hui, la scierie du Haut Fer nous permet encore d'appréhender le travail du scieur. Les voituriers évacuaient le bois. Mais à cette époque, les routes et les chemins carrossables étaient plutôt rares. II restait la solution du flottage.

Le flottage du bois se faisait sur de nombreuses rivières vosgiennes ainsi que sur le Rhin et les affluents de la Forêt-Noire. Le flottage se pratiquait généralement de la Saint-Michel (24 septembre) jusqu'à la Saint-Georges (23 avril). Les Hollandais qui avaient un énorme besoin en bois de chêne et de sapin pour la construction de leur flotte commerciale s'approvisionnaient dans les Vosges pour le sapin et la Forêt-Noire pour le chêne.

Des trains de bois étaient formés aux confluents. C'étaient de véritables villages flottants qui avaient particulièrement impressionné Victor Hugo lors de son passage à Mayence en 1841. Leurs dimensions, difficilement imaginables aujourd'hui, étaient de "8 pieds de profondeur, 78 pieds de largeur et environ 900 pieds de longueur" (1 pied vaut environ 30 cm). Un train était dirigé par 300 hommes. On emmenait des bêtes de boucherie, de la bière et du vin et diverses autres nourritures.

Évidemment, sur la Bruche, les trains de bois devaient être nettement moins importants et il est généralement admis qu'elle servait surtout à acheminer du bois de chauffage à Strasbourg. C'est ce qu'on appelle "le flottage à bûches perdues". Pourtant un document des Archives communales de Mutzig dans la série DD 38 daté du 21 et du 29 août 1692 exposant une réclamation, car le flotteur ne payait pas la taxe de flottage, nous apprend qu'on met à l'eau à Schirmeck du bois de chauffage certes, mais également du bois de charpente. Ce bois est destiné à Strasbourg.

A certains endroits près du cours de la rivière, nous trouvons des lieux-dits qui nous rappellent le flottage du bois. Ainsi sur le ban de la commune de Mollkirch, avant Urmatt, un endroit est appelé "Floessplatz". A l'entrée Est de Mutzig, et de Molsheim, nous remarquons le nom de "Holzplatz".

Le bois suivait le cours d'eau jusqu'à Molsheim, puis il continuait par le Dachsteinbach. A partir de 1682 (construction du canal de la Bruche), le bois empruntait le cours supérieur de la Bruche jusqu'à Avolsheim, puis il était chargé sur des péniches qui l'amenaient à Strasbourg par le canal de la Bruche. Chose difficilement concevable de nos jours, on flottait aussi sur les affluents comme la Mossig, la Hasel, la Magel et le Netzenbach. Ces informations nous sont fournies lors de relations d'accidents ou de mentions dans les registres paroissiaux ou d'état-civil lors de décès.

Avant 1820, on transportait en moyenne 40 000 stères sur le canal de la Bruche. Ce trafic décline lentement pour passer à 20 000 stères en 1844. Le préfet signe encore un règlement général de flottage le 17 octobre 1854, complété le 23 novembre 1858. En 1870, on ne compte plus que 14 000 stères. Le flottage arrêtera au tout début du XXe siècle. A partir de ce moment, car les voies de communication se sont considérablement développées, le train d'abord puis la route prendront le relais pour le transport du bois.

                                                                                                                    Auguste SCHMITT
                                                                                                                Président de la Société d'Histoire
                                                                                                                        de Mutzig et environs

(Source litho et texte : Encyclopédie de l'Alsace, t. V, Strasbourg. 1983)

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