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D 'après l'APRONA (Association pour la protection de la nappe phréatique de la plaine d'Alsace), les cailloutis superficiels de la plaine du Rhin s'étendent sur 2800 km2 du côté alsacien et ont un volume de 250 milliards de m3 (Gm3).
Leur épaisseur moyenne est de 120 m, mais elle varie entre 0 et 250 m.

 
Ils contiennent une masse d'eau d'environ 32 Gm3, renouvelée tous les 25 ans grâce aux apports des cours d'eau (1,1 Gm3 par an) et de la pluie (0,2 Gm3 par an). C'est la seule ressource en eau potable d'une bonne partie des 1,7 million d'Alsaciens (ceux qui habitent la plaine, sauf dans une zone située au nord de Haguenau) et de nombreux Badois.
L'APRONA fait analyser cette eau, prélevée dans 720 localités ou forages. On pratique en tout une quarantaine de dosages chimiques et de mesures physiques sur ces échantillons. Les points de prélèvement sont assez bien répartis pour qu'on ait une vision globale de la distribution géographique de certains polluants : nitrates (1991, 1997), atrazine (1997).
La campagne d'analyses de 1997 a été conduite en collaboration avec nos voisins (avec 331 points de prélèvement en Bade et 21 en Suisse). La limite légale française pour les nitrates (50 mg/L) était atteinte ou dépassée sur 10% de la surface de la nappe du côté alsacien, la norme européenne (25 mg/L) sur 42% de la surface. Cela s'aggrave régulièrement depuis 1973.
Les nitrates existent partout dans la nappe. Leur concentration dépend sans doute des activités polluantes locales (usage d'engrais, effluents d'élevage, etc.), mais aussi de l'épaisseur de la nappe.
En Alsace, les seuils de 25 et 50 mg/L sont souvent dépassés le long des collines sous-vosgiennes et dans certaines zones de culture intensive (dans l'axe de la plaine entre Mulhouse et Strasbourg, le long du Rhin au sud de Neuf-Brisach, dans la plaine de la Bruche, dans tout le Kochersberg), et même dans la forêt de Haguenau !

Photo : Jocelyne Blosser

Remarquable pureté des Brunnenwasser, rivières phréatiques

Pour l'atrazine, un désherbant dangereux et très résistant, le seuil de 0,1 micro- gramme par litre (µg/L) était dépassé dans 13% des prélèvements en Alsace, 4% en Bade, mais - contrairement aux nitrates - ces points rouges et parfois noirs (plus de 0,5 µg/L) ne dessinent pas de zones de concentration uniforme : ils sont dispersés parmi des points de moindre concentration, ce qui signifie qu'une pollution ponctuelle se superpose à la pollution diffuse.
Ces points ne correspondent pas du tout aux zones de pollution intense par les nitrates, ce qui est inquiétant, car on ne peut pas prévoir cette pollution ni comprendre son origine. On en trouve, entre autres, le long de la Bruche, après son confluent avec la Mossig, aux environs de Duppigheim et entre Griesheim et Bischoffsheim.
L'utilisation de l'atrazine est interdite en Allemagne depuis 1991. En France, les doses autorisées ont été diminuées. Le décret n° 89-3 du 3 janvier 1989 a fixé, en accord avec les directives européennes, les concentrations maximales des produits phytosanitaires dans l'eau potable : 0,5 µg/L pour l'ensemble de ces produits, 0,1 µg/L pour chacun d'entre eux pris séparément, sauf l'aldrine + la dieldrine, l'heptachlore + son époxyde (0,03 µg/L). Une mise à jour est en cours. Que se passera-t-il si ces seuils sont encore abaissés ?
L'État doit donc se résoudre à interdire rapidement la fabrication, la commercialisation et l'usage de certains produits phytosanitaires comme l'atrazine.

La viticulture, comme la maïsiculture, posent un gros problème. En ce qui concerne les engrais et les effluents des élevages, il est clair qu'il faut aider les agriculteurs à améliorer leurs méthodes, leurs installations et leurs engins d'épandage. Si ces mesures se révélaient insuffisantes, il faudrait avoir le courage de racheter des exploitations pour les reconvertir en herbages ou en zones boisées.
N'oublions pas que les particuliers eux-mêmes ont des responsabilités dans ces pollutions : ils répandent à profusion engrais et pesticides dans leurs jardins, ne changent pas volontiers leurs vieilles cuves à fioul, ne respectent pas les règlements (huiles de vidange) et consomment sans discernement les détergents et produits de toilette, les solvants et autres produits chimiques d'usage domestique.
Des centaines de décharges d'ordures non triées subsistent, témoins de notre insouciance passée. Les toitures, les surfaces bétonnées et les routes sont aussi des sources de pollution non négligeables.
Si l'eau, cette ressource vitale , devenait inutilisable ou s'il fallait mettre en place des usines de traitement pour la rendre potable, ce serait une catastrophe majeure. II n'y a pas que Tchernobyl !

                                                                                                                                        Pr. Jean Mellinger

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