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L'eau de qualité devient un enjeu de société

C'est ici que prenait naissance le Rosenmeer. Une vanne permettait à un tiers des eaux de la Magel de s'écouler dans le
canal dont on distingue encore actuellement le lit desséché (à droite sur le dessin). La maçonnerie est toujours en place.

La Magel et le Rosenmeer

C'est en l'an 1474 que fut accordé par convention au comte Jacques Hohenstein, seigneur de Guirbaden dont le château en ruine surplombe le village de Mollkirch, le droit de chasser dans les forêts limitrophes, propriétés de la ville de Rosheim. En contrepartie, cette convention autorise la ville de Rosheim à prélever un tiers de l'eau de la Magel dans le but de fournir de l'eau à une dizaine de moulins à farine et à huile de Rosenwiller et de Rosheim et d'irriguer les prairies, principalement à Rosenwiller, pour le compte de 600 propriétaires!
Un canal fut construit et alimenté par le tiers des eaux de la Magel grâce à une vanne installée à quelques mètres en aval du pont situé près de la Fischhutte. A la place du grand hôtel-restaurant du même nom, il y avait une maisonnette de pécheur. Et pour cause : l'important volume d'eau de la Magel favorisait le développement de la truite fario! Cela jusque dans les années 1950.
Ce canal, de la Fischhutte à Laubenheim (commune de Mollkirch) jusqu'à Rosheim, a une longueur d'environ dix kilomètres. II relie les petites sources et rejoint l'Ehn entre Krautergersheim et Blaesheim, à environ vingt kilomètres.
Comme on peut l'imaginer, les agriculteurs avaient un besoin d'eau lié aux conditions climatiques, particulièrement en automne où les prés sont autant de pâturages nécessaires à la multitude d'éleveurs qui vivaient quasiment tous en autarcie des produits de leur ferme. Les meuniers avaient très souvent un pouvoir plus important car ils disposaient d'un lien plus étroit avec les pouvoirs seigneuriaux.
Le canal, appelé Rosenmeer, permit aussi aux habitants de Rosenwiller et de Rosheim de laver leur linge au lavoir, ce qui créait une activité animée mais néanmoins organisée, alors que l'eau coulait à même la rue de Rosheim. Imaginez les conflits d'intérêt que cela créait car il n'y avait ni lave-vaisselle ni lave-linge ni eau courante pour WC et douches et les hommes le dimanche matin (le samedi n'était pas encore chômé) se lavaient quasiment tous directement dans la rivière!
Sans entrer dans les détails (Claude Jerome, Roger Mercky et d'autres l'ont déjà fait), il se trouve que la prise d'eau de la Fischhutte fut abandonnée dans les années 1950. A l'époque où la modernité s'installe, l'agriculture devient productiviste et la société de consommation s'enracine progressivement avec les pollutions qui transforment les eaux de nos rivières en égouts collecteurs à ciel ouvert, empestant les villages jusqu'à l'installation du tout-à-l'égout vers les années 1960.
Dans les cinquante dernières années, beaucoup d'eau a coulé dans nos rivières, mais de moins en moins dans la Magel et de nombreuses sources se tarissent lentement mais sûrement. On peut affirmer aujourd'hui que le débit d'eau dans la Magel a diminué de moitié et que de multiples petits ruisseaux ne font plus fonction de frayères à truites, car l'eau est si basse qu'elle circule à peine visible entre les galets!
Cela fait quelques décennies que notre association s'inquiète de cette évolution, d'autant que nous savions que cela devait arriver. II y a près de quarante ans que nos amis bûcherons nous ont informés que la plantation systématique de sapins Douglas, en provenance du continent américain, allait pomper l'eau, car cet arbre consomme jusqu'à 80 à 100 litres d'eau par jour, soit cinq fois plus que le sapin noir (Schwartztanne) des Vosges. L'objectif entrait dans la politique productiviste proposée aux communes, afin de pouvoir récolter quatre fois plus vite. Imaginez que deux Douglas consomment autant d'eau qu'un habitant, soit près de 200 litres par jour!
La consommation par habitant étant légèrement supérieure à 200 litres par jour, cela a nécessité le captage d'une multitude de sources d'eau pure qui jusque-là alimentaient les rivières.
Les conséquences risquent de devenir dramatiques car certains villages du haut de la vallée manquent déjà d'eau. Quelques-uns ont du faire venir des citernes pour remplir les réservoirs et nous avons observé dans la Magel un débit de 10 litres par seconde en juillet 2003 (suivi par la Fédération de pêche) et bien moins encore en septembre. Nous savons aussi que la nappe située au pied des collines à Gresswiller, à 100 mètres de profondeur, doit être alimentée en continu par les sources vosgiennes.
La municipalité de Rosheim ayant sans doute considéré dans les années 1950 que l'eau de la Magel n'avait plus d'intérêt, deux magnifique plan d'eau ont été créés en forêt, en contrebas de la maison forestière de Wangenhart, sur le ban de Gresswiller. Ces plans d'eau ont un intérêt écologique qui mérite une protection durable pour sa faune et sa flore très rares.
Nous sommes par ailleurs persuadés que le peu de débit de la Magel ne lui permettra pas d'accueillir les rejets des eaux de la future station d'épuration sans éviter la destruction de la biomasse.
En ce qui concerne le projet récurrent des élus de Rosheim de remettre un nouveau canal du Rosenmeer en service, il faut rappeler que cette demande avait déjà été refusée en 1995 en Comité d'hygiène départemental. II va de soi que nos associations de pêche membres s'accordent à s'opposer à ce genre de projet qui n'est qu'une lubie irresponsable consistant à vouloir bricoler dans la nature sans tenir compte des besoins en eau des générations futures et surtout des équilibres naturels. Quelle politique à courte vue alors que dans les vingt prochaines années la prévision d'augmentation de la population des environ de Molsheim est la plus importante d'Alsace, avec des besoins en eau considérables!

                                                                                                                        Marcel CARABIN

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